La surconsommation textile tue le Made in France

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À l’heure où l’on parle sans cesse d’écologie et de durabilité, un paradoxe s’impose : jamais nous n’avons autant produit et consommé de vêtements, et jamais l’industrie textile n’a autant pollué. À la veille d’un vote crucial au Sénat sur la régulation de la fast fashion, le constat est sans appel : la frénésie d’achats alimente un modèle insoutenable, fragilise les acteurs français du textile et rend le Made in France quasi impossible.

Le vrai coût de la mode rapide

La fast fashion, incarnée par des géants mondiaux comme Shein, Temu ou même des marques françaises à bas prix, repose sur un modèle simple : vendre toujours plus, toujours moins cher. Derrière les étiquettes séduisantes et les discours sur les « matériaux éco-responsables » ou le « recyclage », le cœur du problème reste ignoré : la quantité de vêtements fabriqués chaque année. En France, c’est en moyenne 40 nouveaux vêtements par habitant qui sont mis sur le marché chaque année, soit le double des années 1980.

Or, produire un vêtement, c’est consommer de l’énergie, des matières premières et générer des émissions de gaz à effet de serre. La majeure partie de ces impacts ne vient pas de l’emballage ou des bureaux climatisés, mais des usines textiles, souvent situées en Asie, où l’électricité bon marché et carbonée (charbon, gaz) alimente des chaînes de production intensives. Le recyclage ? Une solution partielle. La clé reste la réduction des volumes.

Pourquoi le Made in France disparaît ?

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Le Made in France est victime d’une logique économique implacable : pour acheter toujours plus, il faut payer toujours moins. Or, comment concurrencer des pays où le salaire minimum est de 100€ ? Où les normes sociales et environnementales sont quasi inexistantes ? Les entreprises françaises, même équipées de technologies de pointe, ne peuvent rivaliser. Résultat : les usines ferment, les savoir-faire disparaissent, et les vêtements français se font rares.

Comme le rappelle Julia Faure, cofondatrice de Loom, « plus on achète de vêtements, plus on tue le Made in France ». Une phrase choc qui résume une réalité cruelle : à force de vouloir tout à bas prix, nous détruisons l’industrie locale.

Les étapes invisibles d’un vêtement

Derrière chaque t-shirt ou jean se cachent des étapes complexes :

  • Production de la matière première : coton, laine, polyester…
  • Filature : transformer les fibres en fil.
  • Tissage ou tricotage : fabriquer le tissu.
  • Ennoblissement : teinture, traitement, finitions (étape la plus énergivore).
  • Confection : découpe, couture, assemblage.

Chaque étape a un coût écologique et social. Plus on multiplie ces étapes dans des pays lointains, plus l’impact s’alourdit.

Le projet de loi sur la fast fashion : une lueur d’espoir ?

fast fashion

Face à cette situation, une proposition de loi sera débattue les 2 et 3 juin 2025 au Sénat. Objectif : freiner la fast fashion grâce à deux mesures phares :

  • Interdiction de la publicité pour les marques d’ultra fast fashion.
  • Prime-pénalité selon l’impact environnemental des vêtements vendus.

Un texte ambitieux, mais fragilisé par le lobbying des géants du textile, français et internationaux. Pour Julia Faure, il est urgent de « changer les règles du jeu » et de rétablir une concurrence loyale. Sans cela, les marques vertueuses resteront marginales, et la course au prix bas continuera d’asphyxier le secteur.

Et le consommateur dans tout ça ?

Certes, chacun peut choisir d’acheter moins et mieux. Mais croire que le consommateur seul pourra rééquilibrer le système est un leurre. Comme le souligne Julia Faure, « ce que le consommateur gagne en achetant pas cher, c’est le citoyen qui le perd » : emploi local, vitalité des centres-villes, qualité des produits. La solution ? Une régulation politique forte, pour protéger le Made in France et l’environnement.

Changer les règles, pas seulement les habitudes

La surconsommation textile n’est pas qu’un problème de comportement individuel, c’est un système à repenser. En attendant, chaque choix compte : acheter moins, choisir des marques responsables, soutenir le Made in France. Mais surtout, exiger des lois qui limitent la surproduction et l’importation de vêtements à bas coût fabriqués dans des conditions sociales et environnementales inacceptables.

Comme le dit Julia Faure : « Si on veut vraiment changer les choses, il faut arrêter de penser que le consommateur a tous les pouvoirs. C’est aux lois de protéger notre industrie, nos emplois et notre planète. »

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